Rencontre avec Elisabeth Leriche

« La beauté est une rencontre » disait le poète François Cheng. Cette phrase pourrait représenter le travail d’Elizabeth Leriche. Depuis plus de 10 ans, elle collabore pour l’Observatoire des tendances du salon Maison & Objet, en concertation avec deux autres bureaux d’étude. Par une belle matinée d’été, la Directrice du bureau de style nous fait partager ses valeurs fondatrices et sa manière de travailler.

.Chaque année, le salon Maison & Objet se réinvente et son Observatoire partage ses réflexions autour d’un thème central.

«  La première réunion débute par une réunion d’étonnement durant laquelle chaque bureau fait part de ses observations. On échange au cours des mois, avec des visions différentes mais complémentaires. Puis on trouve un mot clé sur lequel le salon va communiquer et chaque bureau va exprimer de manière personnelle ses partis pris », explique Elizabeth Leriche.

La notion de « tendance » invite le public à scruter ce qui va constituer le meilleur à venir. Elizabeth Leriche préfère le mot mouvement qui donne sens à une série d’éléments sociologiques, culturels, à une variété de phénomènes observés à travers ses voyages de New-York, à Milan en passant par l’Afrique du Sud. Et ce sont bien sûr ses rencontres qui la nourrissent. Etre au plus proche de ses intuitions et de toutes les interactions (salons, exposition, Internet etc.) sont autant de sources d’inspiration pour elle que d’expériences fécondes.

« Préparer un événement, l’imaginer, le scénographier, c’est une longue gestation. C’est comme un accouchement car l’enjeu est bien de partir d’un sentiment d’étonnement et de le transformer en événement devant un public. » dit-elle.

Elle rencontre notamment de jeunes designers qui sortent d’école d’art et de design. Des talents capables de maîtriser le processus de création de A à Z et de reproduire les gestes des artisans, dont les techniques précises semblent disparaître peu à peu. Cette nouvelle génération qui apprécie le contact avec la matière et manifeste un attrait pour les techniques d’apprentissages anciennes, Elizabeth Leriche les nomme les néo-artisans.

 « Mettre en avant ces jeunes créateurs qui travaillent sur des techniques ancestrales, des savoir-faire qui se perdent parfois et qu’ils redécouvrent. Ils les mettent à l’honneur avec une écriture beaucoup plus contemporaine » ajoute-t-elle.

Elizabeth Leriche entretient ce croisement entre innovation et tradition et montre l’importance de ce qui pourrait nous échapper aujourd’hui : la précision d’un geste, la lenteur d’un processus de transformation, le contact avec la matière naturelle, l’apparence minimaliste de l’objet dont la sobriété apporte profondeur et densité.

Tortus Copenhaguen

Céramique par Tortus Copenhagen. Crédit photo Tortus Copenhagen

La recherche d’une conception esthétique minimaliste que l’on retrouve dans la culture asiatique, trouve un écho particulier dans la vision d’Elizabeth Leriche. Le collectif japonais Nendo avec lequel elle a collaboré, traduit bien cette quête de l’épure par exemple avec l’installation Rain Bottle.

« Nendo avait choisi le mot « pluie », car en japonais il existe 100 façons de dire ce mot. Chaque bouteille transparente contenait chacune un type de pluie différente selon la météo ou le moment de la journée. S’émouvoir d’une ombre ou d’un feuillage c’est ce qui m’a touché, on était en symbiose », explique-t-elle.

Rain Bottle – Nendo

Rain Bottle par le collectif de Nendo

Au-delà de la dimension poétique qui se dégage de l’objet, le processus de fabrication fait partie de l’œuvre elle-même.

« Il y a une curiosité sur le processus de fabrication et même si c’est industriel cela peut être passionnant. Je choisis le parti pris de montrer le travail fait à la main. L’exemple de Sébastien Cox qui va dans la forêt chercher ses branches, c’est émouvant. »

Vidéo de présentation du Sébastien Cox par Aaron Koch

Pour valoriser ce savoir-faire, la métamorphose de la matière, il faut accorder de l’ importance à la notion du temps dans le processus créatif.

« C’est la course après le temps. Ce processus de fabrication prend du temps et je trouve que c’est important de montrer qu’il y a le respect du rythme de la nature, qu’on est dépendant d’un cycle. Qu’il faut sécher le bois… Reprendre le temps de faire les choses redonne de la valeur aux choses ». Précise-t-elle.

C’est sans doute pour cette raison qu’Elizabeth Leriche met en scène la Trésorerie*, une boutique de décoration qui place en rayon des collection issues de fabricants porteurs d’une histoire, des objets dessinés par des designers amoureux du quotidien unis par le message de l’enseigne « beau, utile et éthique ». Valoriser les savoir-faire artisanaux c’est aussi évoquer l’histoire de l’objet, sa traçabilité.

Elle ajoute « Ce que j’aime dans mon métier c’est que c’est un métier de rencontre. Pour le thème précieux, j’ai donné carte blanche au jeune nez Barnabé Fillion, qui collabore avec le collectif the Peddler. Je lui ai posé la question : quel est le parfum du précieux ? Pour eux, ce qui était précieux c’était le sable de la lune. Donner place à une installation olfactive cela participe à ce que tous nos sens soient en alerte. »

Mur d’inspiration d’Elizabeth Leriche

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« Il y a de grands mouvements et il faut savoir analyser et synthétiser ce qui se passe dans une époque. Nos métiers évoluent mais j’essaie de faire les choses de manière personnelle et libre. » indique-t-elle.

 A la question dans quelle ville vous sentez-vous bien ? Elizabeth Leriche conclut :

«  J’aime la ville du Cap en Afrique, la montagne, la puissance de la mer me ressourcent. »

Elizabeth Leriche nous entraîne dans un voyage du sensible, renouvelle notre regard sur les récits, la poésie et la beauté des objets, en conciliant la transmission d’un geste traditionnel et la création contemporaine.

• Pour retrouver les projets et toute l’actualité d’Elizabeth Leriche, se connecter sur le site www.elizabethleriche.com
• *La Trésorerie à découvrir sur ce lien
• Salon Maison et Objet du 04 au 08 septembre 2015 : tout savoir ici