Entre l’espace et le temps
Ma inspire beaucoup de disciplines (design, architecture, art floral, théâtre, danse, musique etc.). Holocene Design Gallery présentera une série de trois articles pour souligner la richesse d’un concept, peu connu de la culture occidentale.
Ma est un terme japonais qui désigne un intervalle, un espace, une pause, un silence, une durée, une distance. Concept esthétique et philosophique, Ma représente une potentialité entre deux états, deux objets, deux notes. Sa richesse ne réside non pas dans l’expression du vide, du néant, de l’absence, mais bien dans l’expression de ce qui pourrait être et qui n’est pas encore…
Plongeon de Paula Jean Myers-Pope en 1960
« Fondamentalement, le ma est l’intervalle qui existe obligatoirement entre deux choses qui se succèdent : d’où l’idée de pause. »*
.
Ma et Art
Le Ma s’incarne dans différentes formes d’expression et de représentation : architecture (voir article sur le Ma et architecture) , théâtre, musique, art floral (Ikebana), calligraphie, peinture. Le dictionnaire japonais Kôjien enrichit la définition du Ma dans les domaines artistiques.
- Musique et Danse : Pause ou suspension qui crée le rythme, l’inaction entre deux mouvements, le silence entre deux phrasés musicaux.
- Théâtre : Pause marquée pour laisser à la réplique le temps de porter, de faire son effet, une sorte d’immobilité active.
.
Ma et philosophie
D’un point de vue philosophique, Ma est le résultat d’une concentration parfaite, la cristallisation d’une introspection qui, en conjuguant espace et temps, débouche sur la plénitude du réel. Ambivalence du vide et du plein, de l’oscillation qui permet de changer de point de vue et de reconsidérer les potentialités.
Ma n’est pas tant abstrait et universel que secrètement ancré dans le réel.
Crédit photo : Emmanuelle Blanc
Ma, une quête
En privilégiant le blanc, un vide en apparence, notre esprit occupé est obligé de se concentrer pour percevoir une infinité de significations. Ma est une invitation à dépasser nos contingences, nos propres limites, à renouveler nos perceptions tant « il est vrai que nous venons à chaque expérience avec nos propres limites et ne voyons que ce à quoi nous sommes préparés » (Isamu NOGUCHI.)
En considérant le Ma comme un milieu entre rien et tout, entre le néant et l’existant, un entre-deux, un interstice fragile, nous sommes au cœur même du processus de création.
.
*Augustin Berque et Maurice Sauzet, « Le Sens de l’espace au Japon. Vivre, penser, bâtir » (Éditions Arguments, Paris, 2004)